Synopsis
Rome à la fin de l'occupation nazie. Les Allemands perquisitionnent un immeuble où habite Giorgio Manfredi, un des chefs du Comité de Libération nationale. Il a le temps de filer par les toits. Il se réfugie chez son ami Francesco qui doit épouser le lendemain sa voisine de palier, Anne-Marie, dite Pina, veuve et mère du petit Marcello.
Manfredi confie au prêtre Don Pietro Pellegrini, ami des résistants, la mission d'aller chercher à sa place une somme d'argent dans une imprimerie clandestine et de le remettre à un cheminot. Le lendemain, jour de mariage de Francesco et Pina, les SS cernent la maison. Manfredi s'échappe, mais Francesco est arrêté…
« Rome, ville ouverte est une œuvre dure et loyale dont la pureté des moyens et des intentions font un des plus authentiques témoignages artistiques que la Résistance laissera sur elle-même. »
André Bazin
Témoignage brut et sans concession de la résistance du peuple romain face à l'occupant allemand, Rome, Ville ouverte est animé d'un souci d'authenticité rarement atteint par le septième art. S'inspirant de faits réels, tourné à chaud dans un style documentaire débarrassé des oripeaux mélodramatiques traditionnels, le chef-d'oeuvre de Rossellini est considéré à juste titre comme le premier film « néo-réaliste », ouvrant la voie à un des courants majeurs du cinéma mondial.
Après s'être initié seul à la pratique amateur du cinéma, à travers la réalisation de documentaires peu connus sur les poissons (Fantasia sottomarina, Ruscello di Ripasotille), ainsi que divers courts-métrages (qui figurent au nombre de 6 dans certaines filmographies), Rossellini travailla avec De Robertis sur deux long-métrages (Le Navire Blanc, 1941, L'Homme à la Croix 1942). Les deux films représentent autant d'humbles approches de la vie réelle, en refusant notamment l'emphase et en condamnant de manière évidente les schémas de la cinématographie officielle. D'après Mario Verdone, ils permettent aux artistes de « formuler un langage nouveau, capable de percevoir le profond et le vivant des choses, avec une force absolue et sereine, propre à révéler le vrai. » Ainsi, c'est à cette attitude subjective nouvelle à l'égard de la réalité et de la transformation de l'objet, c'est-à-dire de cette réalité même que naît Rome ville ouverte.
L'univers du premier « vrai » long-métrage de Rossellini, témoigne ainsi d'un « appétit de liberté, d'une foi dans la résistance, d'une prise de conscience de la souffrance du pays qui donnent un caractère plus actuel, plus nécessaire et plus prophétique » à l'émotion et au message qui se dégagent du film. L'œuvre, qui allait susciter une profonde émotion dans le monde entier, présentait de Rome un portrait collectif, choral, mais il avait le mérite de faire appel à des acteurs nouveaux qui ont contribué à un renouvellement et ont fait apparaître, en quelque sorte, un « néo-réalisme de l'interprétation » .
A la nouveauté de la vision, du thème, des acteurs, ces derniers apparaissant comme la sublimation du « type » humain pris dans la rue en exprimant eux-mêmes l'humanité de la rue (Fabrizi appartenait à une famille de fruitiers et Anna Magnani venait des revues des petits théâtres de quartier.), s'ajoutait un autre élément de nouveauté : la technique. En effet, c'est par le changement de statut de la technique, qui n'est plus souveraine, mais esclave que le néo-réalisme va se définir. Ainsi, le réalisateur trouvait dans la limitation des moyens techniques un motif et une occasion d'indépendance et de révolte. Toujours d'après Mario Verdone, cela voulait dire « renoncer aux appareils perfectionnés, savoir faire usage du possible, non du meilleur, pour servir, au lieu d'un absolu formel, une vision personnelle propre, c'est-à-dire une conscience et une morale, pour traduire sa propre émotion, pour être soi-même, parfois même si nécessaire, dans le désordre et l'improvisation, voire le débraillé. ».
En somme, c'est aussi de tout cela qu'est né Rome ville ouverte et le néo-réalisme, si l'on veut bien admettre d'abord ce que Rossellini appelle « la position morale ». Pour lui en effet, « le néo-réalisme est surtout une position morale à partir de laquelle on regarde le monde. ». C'est donc une vision subjective qui s'applique à un objet particulier, celui-ci étant modifié par la guerre : le pays torturé, endolori, bouleversé, et qui pourtant ne renonce pas à l'espérance.
« Mon néo-réalisme personnel n'est pas autre chose qu'une position morale qui tient en trois mots : l'amour du prochain. Je trouve que ce qu'il y a d'étonnant, d'extraordinaire, d'émouvant dans les hommes, c'est justement que les grands gestes ou les grands faits se produisent de la même façon, avec le même retentissement que les petits faits normaux de la vie. ».
« Le seule chose qui importe c'est le rythme et cela ne s'apprend pas ; on le porte en soi. Je ne crois pas à l'importance de la scène ; elle se résout, s'achève toujours sur un point. En général, on aime à développer ce point.
En ce qui me concerne, je crois que, dramatiquement, c'est une erreur. Le néo-réalisme consiste à suivre un être, avec amour, dans toutes ses découvertes, toutes ses impressions. Il est un être tout petit au-dessous de quelque chose qui le domine et qui, d'un coup, le frappera effroyablement au moment précis où il se trouve librement dans le monde, sans s'attendre à quoi que ce soit. Ce qui importe pour moi, c'est cette attente ; c'est elle qu'il faut développer, la chute devant rester intacte. Naturellement, cette attente se manifeste, dans mes films, par le déplacement, puisque mon travail consiste seulement à accompagner les personnages. »
Rien ne semblait prédisposer Roberto Rossellini, né en 1906 dans une solide famille bourgeoise, à devenir un des maîtres à penser du cinéma d'après-guerre. Il entre dans le métier en suivant une progression rapide (de technicien du son, monteur puis scénariste, à assistant-réalisateur et réalisateur) et commence par six courts-métrages de 1936 à 1939, avant de faire ses premiers longs-métrage entre 1941 et 1943 (sa « trilogie fasciste » : La Nave bianca, Un pilota ritorna et L'uomo della croce). A ses débuts, il n'a pu travailler que dans le cadre de l'organisation mussolinienne du cinéma, mais il n'a rien d'un fasciste convaincu. Proche de la démocratie chrétienne, il choisit le camp opposé après l'écroulement du régime à Rome. A travers son œuvre, par sa réflexion sur la famille et la religion, comme par celle sur la guerre, l'histoire et la culture, qui se poursuivront tout au long de sa vie, il cherche à formuler une nouvelle pensée humaniste chrétienne.
Une deuxième période commence en 1945 avec le film Rome ville ouverte. Celui-ci est la traduction d'un drame politique, le martyre des résistants italiens dans une ville occupée et va rencontrer un succès immédiat. En 1946, il obtient l'un des Grands Prix du Festival de Cannes. Avec Paisà, en 1946, traversée de l'Italie du sud au nord dans les pas des soldats américains, puis Allemagne année zéro, tourné dans les rues de Berlin en ruines, il signe une trilogie en forme d'exploration d'un monde inconnu, celui de l'après-guerre. En trois ans (1945-1947), Rossellini réussit ainsi à tourner ces trois films de fiction, étroitement liés par leur réflexion sur la résistance en Italie, sur la guerre et ses conséquences ainsi que par leur forme (tournages en décors extérieurs, éclairage naturel, acteurs non-professionnels). Ces derniers vont participer à élever Rossellini au rang de « père du néoréalisme. Le réalisateur a cependant une conception très personnelle, éthique et humaniste du néoréalisme. Ainsi le « mouvement » représente pour lui, « surtout une position morale de laquelle on regarde le monde. Elle devient ensuite une position esthétique, mais le départ est moral. La chose à laquelle je visais était de trouver très honnêtement la vérité. Mais, pour trouver la vérité, il faut avoir un jugement critique. ».
Avec Ingrid Bergman s'ouvre une nouvelle période, celle des chefs-d'œuvre comme Voyage en Italie, Stromboli et La Peur. Son histoire d'amour controversée (lorsque leur liaison commence, tous deux sont déjà mariés) devient en effet une source d'inspiration pour ses longs métrages. C'est l'époque où Rossellini va être salué comme l'un des maîtres du cinéma. Ingrid Bergman jouera dans six de ses longs métrages. Puis ils se sépareront en 1957, alors que le cinéaste entretient une liaison avec une autre femme lors d'un voyage en Inde pour le film India (1959).
Dans les années 60, il réalise Il Generale Della Rovere, puis la chronique historique Vanina Vanini , d'après l'œuvre de Stendhal. Le film, dont le ton se veut plus léger et comique, est un échec. Il se décide alors à abandonner le cinéma au profit de la télévision. A partir des années soixante-dix, Rossellini, persuadé que la télévision est désormais le lieu de toutes les inventions, consacre la fin de sa vie à une série de téléfilms didactiques sur l'histoire de l'humanité et de ses grands penseurs : « L'âge du fer », « Socrate ». Cette dernière partie de son œuvre, la moins connue, tire encore aujourd'hui sa force de la puissante utopie qui l'a vue naître. Cette période moins connue de sa carrière sera pourtant très prolifique.
Son œuvre s'achève par un film testament Le Messie. En 1976, il devient président de la Cinémathèque française à la mort d'Henri Langlois. L'année suivante, il préside le jury du prestigieux Festival de Cannes. Il décède quelques jours plus tard, le 3 juin 1977, d'une crise cardiaque. L'influence de Roberto Rossellini a été profonde sur de nombreux cinéastes à travers le monde.
« On peut le deviner en regardant ses films, on en reçoit la confirmation sitôt que l'on échange quelques mots avec lui : Roberto Rossellini est un homme seul, comme abandonné. Les collaborateurs de ses premiers films n'ont pu le suivre dans son évolution. C'est ce que Rossellini n'est pas ce qu'on appelle un homme 'brillant' ; il ne sait et ne veut pas s'expliquer autrement que par ses films ; le cinéma est son unique moyen d'expression, il n'en conçoit pas d'autres. Et puis ce qu'il a à dire n'est pas du goût de tout le monde. Il fait des films pour crier casse-cou à une époque qui se laisse hypnotiser par l'athéisme, au monde qui au lendemain de la guerre a perdu tout à la fois et la terre et le ciel, ce monde se refusant de bâtir à nouveau. »
François Truffaut.
Courts métrages :
1937 Prélude à l'après-midi d'un faune
1938 Fantasia Sottomarina (Fantaisie sous-marine)
1939 La vispa Teresa (L'Alerte Thérèse)
1940 Il tacchino prepotente (Le Dindon tyrannique)
1941 Il ruscello di Ripasottile (Le Ruisseau de Ripasottile)
Longs métrages :
1941 Le Navire blanc (La nave bianca)
1942 Un pilote revient (Un pilota ritorna)
1943 L'Homme à la croix (L'uomo dalla croce)
1943 La Proie du désir (Desiderio) (commencé par Rossellini en 1943 sous le titre "Scalo merci" et terminé en 1946 par Marcello Pagliero)
1945 Rome, ville ouverte (Roma, città aperta)
1946 Païsa (Paisà)
1948 Allemagne année zéro (Germania anno zero)
1948 L'amore
1950 Stromboli (Stromboli terra di Dio)
1950 Les Onze Fioretti de François d'Assise (Francesco, giullare di Dio)
1952 La Machine à tuer les méchants (La macchina ammazzacattivi)
1952 Les Sept Péchés capitaux (I Sette peccati capitali), épisode L'Envie(L'invidia)
1952 Europe 51 (Europa '51)
1953 Nous les femmes (Siamo donne), épisode Ingrid Bergman
1954 Où est la liberté ? (Dov'è la libertà ?)
1954 Voyage en Italie (Viaggio in Italia)
1954 La Peur (Angst)
1954 Amori di mezzo secolo, épisode Napoli 43
1954 Jeanne au bûcher (Giovanna d'Arco al rogo)
1957 India mère patrie (India Matri Buhmi)
1959 Le Général Della Rovere (Il generale Della Rovere)
1960 Les Évadés de la nuit (Era notte a Roma)
1961 Vive l'Italie (Viva l'Italia)
1961 Vanina Vanini
1962 Âme noire (Anima nera)
1963 Rogopag, épisode Illibatezza, Une jeune fille bien
1974 L'An un (Anno uno)
1976 Le Messie (Il Messia)
Avant d'être remplacée par Ingrid Bergman en 1949 pour Stromboli, Anna Magnani fut une des premières muses du cinéaste italien.
Née le 7 mars 1908 à Rome d'une fille-mère et de père inconnu, elle fut élevée par sa grand-mère et fit son éducation dans un couvent. Elle commença sa carrière artistique dans des cabarets et des night-clubs avant d'intégrer l'Académie d'art dramatique de Rome. Commencent ensuite des tournées à travers le pays avec des compagnies théâtrales à répertoire minimal.
Ses débuts au cinéma ont lieu en 1927 avec un petit rôle dans un film muet, Scampolo, suivi d'un rôle de premier plan dans La Prisonnière des ténèbres (La Cieca di Sorrento) de Nunzio Malasomma en 1934. En 1935, elle épouse Goffredo Alessandrini qui la fit jouer dans La Cavalerie héroïque (Cavalleria) en 1936. Leur union dura peu de temps et le mariage fut annulé en 1950.
En 1941 ; elle devient une actrice connu avec Mademoiselle Vendredi (Teresa Venerdì) de Vittorio de Sica. Mais sa véritable percée et sa réputation mondiale se firent avec Roberto Rossellini dans le film Rome ville ouverte en 1945. Leur relation dura jusqu'à ce que Rossellini rencontre Ingrid Bergman, qui lui avait envoyé une lettre, pour le prier de la faire jouer dans un de ses films. Dans son livre L'année des volcans, François-Guillaume Lorrain nous plonge dans cette histoire à trois où les tons des « personnages » font écho à leur caractère. Les passages ayant traits à Anna Magnani sont en conséquence magnanimement enflammés car l'Italienne avait un tempérament de feu.
Ainsi, Anna Magnani, « la Magnani », est l'une des plus grandes actrices de son temps. Elle était de la trempe de Bette Davis et était tellement connue et appréciée que le célèbre Youri Gagarine a dit lors du premier vol spatial habité (le 12 avril 1961) : « Je salue la fraternité des hommes, le monde des arts, et Anna Magnani. ». C'est dire le niveau de notoriété de la brune incendiaire. Mais très vite, le père italien du nouveau réalisme se laissa gagner par le charme d'Ingrid Bergman au point de délaisser la volcanique Anna. Ainsi, le cinéaste n'hésitera pas à faire tourner sa nouvelle maîtresse dans Stromboli (1950) qu'il avait promis à Anna Magnani ! La délaissée participera alors en parallèle à un autre projet avec aussi un volcan pour cadre du film : Vulcano (1950) de William Dieterle, sur l'île voisine…
Malgré cet affront, elle ne cessa de travailler par la suite pour le cinéma et la télévision, recevant un Oscar en 1956 pour sa performance dans la version cinématographique de La Rose tatouée (The Rose Tattoo) de Daniel Mann, d'après la pièce de Tennessee Williams et travaillant avec de nombreux réalisateurs durant les années 1950, 1960 et 1970.
1927 : Scampolo d'Augusto Genina
1934 : Tempo massimo de Mario Mattoli
1934 : La Prisonnière des ténèbres
(La cieca di Sorrento) de Nunzio Malasomma
1935 : Quei due de Gennaro Righelli
1936 : Trenta secondi d'amore de Mario Bonnard
1936 : La Cavalerie héroïque
(Cavalleria) de Goffredo Alessandrini
1941 : Mademoiselle Vendredi (Teresa venerdì) de Vittorio De Sica
1945 : Rome, ville ouverte (Roma, città aperta) de Roberto Rossellini
1945 : Au diable la misère (Abbasso la miseria!) de Gennaro Righelli
1946 : Le Bandit (Il bandito) d'Alberto Lattuada
1947 : L'Honorable Angelina (L'onorevole Angelina) de Luigi Zampa
1948 : Beaucoup de rêves sur les routes (Molti sogni per le strade) de Mario Camerini
1948 : L'amore de Roberto Rossellini, en deux parties : I - La Voix humaine (Una voce umana); II - Le Miracle (Il miracolo)
1950 : Vulcano de William Dieterle
1951 : Bellissima de Luchino Visconti
1952 : Les Chemises rouges (Camicie rosse) de Goffredo Alessandrini et Francesco Rosi
1953 : Le Carrosse d'or (Carrozza d'oro) de Jean Renoir
1953 : Nous les femmes (Siamo donne) coréalisation, épisode Anna Magnani de Luchino Visconti
1955 : La Rose tatouée (The Rose Tattoo) de Daniel Mann
1957 : Car sauvage est le vent (Wild is the Wind) de George Cukor
1959 : L'Homme à la peau de serpent (The Fugitive Kind) de Sidney Lumet
1960 : Larmes de joie (Risate di gioia) de Mario Monicelli
1962 : Mamma Roma de Pier Paolo Pasolini
1963 : Le Magot de Josefa (Pila della Peppa) de Claude Autant-Lara
1967 : À l'italienne (Made in Italy) de Nanni Loy : épisode La famiglia
1969 : Le Secret de Santa Vittoria (The Secret of Santa Vittoria) de Stanley Kramer
1972 : Fellini Roma de Federico Fellini
Les acteurs
ANNA MAGNANI | Pina |
ALDO FABRIZI | Don Pietro Pelligrini |
MARCELLO PAGLIERO | Giorgio Manfredi |
MARIA MICHI | Marina Mari |
HARRY FEIST | Major Bergmann |
FRANCESCO GRANDJACQUET | Francesco |
GIOVANNA GALLETTI | Ingrid |
REALISATEUR | Roberto Rossellini |
PRODUCTEURS | Alberto Consiglio, Sergio Amidei, Roberto Rossellini, Federico Fellini |
PRODUCTEURS | Excelsa Film |
PHOTO | Ubaldo Arata |
MONTAGE | Eraldo Da Roma |
MUSIQUE | Renzo Rossellini |
DISTRIBUE PAR | Films Sans Frontières |