Grim Natwick

Le 9 août 1930 apparaît sur une scène de cabaret un personnage féminin ressemblant à un chien et dont le refrain de la chanson se termine par l'expression « Boop Boop a Doop ». Ce personnage n'est pour l'instant que la petite amie de la star du studio Fleischer : Bimbo. Mais sans encore le savoir, les Frères Fleischer viennent de donner naissance à la plus grande star féminine de l'animation du 20 ème siècle : Betty Boop.

 

Le film s'appelle Restaurant en folie et c'est le 7 ème film de la série des Talkartoons . On doit sa création à Myron "Grim" Natwick, qui dira par la suite : « J'ai juste dessiné un petit chien à qui j'ai rajouté des jambes de femmes et ce qui est devenu par la suite des boucles d'oreilles n'étaient d'abord que de longues oreilles. Je crois que je me suis inspiré du caniche pour avoir une idée simple du personnage ». Il dira aussi qu'il s'est inspiré d'Helen Kane, la « Boop Boop a Doop Girl ».



Betty Boop, fille d'immigrés Yiddish d'Europe (Minnie la morue , 1932), impose très rapidement sa présence. Dès sa quatrième apparition dans un Talkartoon ( Le bandit minable , 1931), elle fait jeu égal avec Bimbo. C'est d'ailleurs dans le film suivant Scandales inoffensifs (1931) que l'on apprend son vrai nom : Betty Boop - elle était appelée Nancy Lee dans Bill Bernacle (1930).


C'est aussi en 1931 que Betty trouve sa vraie voix. Jusque là, quatre actrices avaient prêté leur voix à Betty. Max Fleischer découvre alors Mae Questel, quelques mois après qu'elle ait été engagée par la Paramount lors d'un concours d'imitation d'Helen Kane. Mae Questel incarnera jusqu'au dernier épisode la voix de Betty.

 

Mais il n'y avait pas que la voix qui avait du mal à se trouver, le physique de Betty se modifiait aussi de films en films. Il faut dire que les frères Fleischer ne faisaient pas faire de « model sheet » pour leurs personnages (il s'agit du document qui permet de créer la charte graphique d'un personnage), et ceux-ci pouvaient donc changer d'aspect selon qu'ils étaient animés par tel ou tel artiste. Il n'est donc pas étonnant que dans un dessin animé comme Le bandit minable, le nez de Betty passe du noir au blanc et inversement.

Mae Questel    

Mais le changement le plus radical intervient dans Betty et le chiffonnier  : Betty Boop troque ses longues oreilles contre des boucles d'oreilles pour devenir une femme à part entière. Bimbo, quant à lui, se retrouve selon le dessin animé le petit ami de Betty ou son compagnon d'aventure. Les deux sont souvent accompagnés de la première star de l'écurie Fleischer : Koko le Clown, de la série Hors de l'encrier (Out of the Inkwell) .

 

Après avoir remplacé Bimbo dans le rôle principal des Talkartoons - série dans laquelle elle joue régulièrement depuis le 3 avril 1931, soit 8 mois après son premier film - Betty Boop, dont la popularité grandit de film en film, a finalement droit à sa propre série. Le 1 er juillet 1932, après plusieurs chefs-d'ouvre ( Le bizutage de Bimbo , Minnie la morue , Le mystérieux Mose, .), les Talkartoons s'achèvent avec Betty Boop mène le show pour laisser place aux Betty Boop Cartoons .

 

Le 12 août 1932, le premier film de la nouvelle série, Betty pastiche les stars , nous montre Betty Boop imitant entre autres Maurice Chevalier. En clin d'oil, la première partie du spectacle de Betty est assurée par un court-métrage de Bimbo et Koko. Les chef-d'ouvres vont s'enchaîner, de Betty Boop la vahiné à Je serai content quand tu seras mort vieille canaille avec Louis Armstrong en passant par Blanche-Neige (1933).

    Koko, Kokette et Koko-nut

Betty Boop et Popeye

Le 14 juillet 1933, c'est Betty qui va présenter au public un nouveau personnage sur lequel les Fleischer misent beaucoup : Popeye ! Deux mois après, la série des Popeye Cartoons est mise en chantier. Popeye et Betty seront les deux grandes stars des studios Fleischer jusqu'à la fin de la décennie.

 

Mais la carrière de Betty va prendre un tournant lorsqu'elle se retrouve dans la ligne de mire du fameux Code Hays en 1934. Betty est obligée de rallonger ses jupes, d'être moins sexy, mais plus que son apparence ce sont les rôles qui changent. Betty s'aventure beaucoup moins dans le non-sens comme dans Une ville de fous (1932) ou dans le tendancieux Le bizutage de Bimbo (1931). On peut quand même retenir quelques grands films dans cette période, comme En route vers la gloire , un « best of » de Betty dans lequel apparaît Max Fleischer, Halte au bruit ! , Au pays du soleil levant ou encore l'unique film en couleurs de Betty : Pauvre Cendrillon .

Betty est rapidement épaulée par deux nouveaux personnages : un mignon petit chien, Pudgy, et un vieux savant un peu fou, Grampy. Progressivement, Pudgy va prendre la place de Betty, qui ne fait parfois que de simples apparitions. Le dernier film avec Betty Boop, Une réserve qui swingue, sort le 7 juillet 1939. Un mois après, la série des Betty Boop Cartoons s'arrête avec Yip Yip Yippy , dans lequel Betty n'apparaît même pas.

 

En 1970 ses films sont colorisés pour pouvoir passer à la télévision. Mais il faudra attendre presque 50 ans pour revoir Betty dans un nouveau film.

Grampy       Pudgy

Comme bon nombre d'autres stars de l'animation, elle est conviée à participer à Qui Veut la peau de Roger Rabbit ? Elle apparaît, en noir et blanc, dans le rôle d'une serveuse du cabaret où chante Jessica Rabbit.

 

Si Betty Boop est encore très populaire aujourd'hui - notamment grâce au merchandising - c'est aussi pour ce qu'elle représente. Elle est la première star féminine du monde de l'animation à s'être affranchie du rôle de simple faire-valoir, grâce à un mélange de liberté, d'autonomie et de gentillesse mais aussi de sensualité et d'inoubliables « boop boop a doop » !

Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Robert Zemeckis (1988)    
 
 
Sortie du coffet DVD Collector de l'intégrale Betty Boop. Edité par Films sans Frontières © Tous droits réservés