LA RUPTURE TITO-STALINE

«Papa est en voyage d'affaires» se déroule entre l'été 1950 et l'été 1952. Le point de départ du film est la publication dans la presse d'une caricature de Marx travaillant devant l'effigie de Staline. Ce fameux dessin fut publié en 1950 dans le journal serbe Politika.

Le point d'orgue du film réside dans le match de football Union Soviétique-Yougoslavie que cette dernière a remporté de 3 à 1, ce qui était considéré comme une victoire de Tito sur Staline.

A ces anciens amis, à ceux que jusque là il présentait fièrement dans le monde entier comme ses meilleurs émules, Staline n'offre que la possibilité de se soumettre. Pourtant Tito et les siens faisaient, au début, des efforts pour démontrer qu'ils étaient restés dans la ligne, et qu'ils étaient injustement condamnés. Une des raisons de cette excommunication était leur ardeur, le succès même de leur libération nationale. Cette libération nationale, cette Résistance yougoslave fut une véritable guerre prolétarienne et paysanne dont il n'y a pas d'exemple dans l'Europe du XXeme siècle. Ceci, Staline ne pouvait pas le tolérer. Et tout d'abord, la candide envie des Yougoslaves d'avoir avec l'URSS des rapports d'égalités.

De cette scission découle la période de l’Imforbiro en Yougoslavie qui s’étend de 1948 à 1955. Informbiro (“Bureau d’Information”) est l’équivalent yougoslave du Cominform (“Bureau Communiste d’Information”). Le Cominform fut une tentative infructueuse de la part de Staline de faire respecter son autorité en Yougoslavie mais également dans les autres pays communistes. Le Cominform fut créé en Septembre 1947 en Pologne lors d’une conférence entre les dirigeants des différents partis communistes d’obédience soviétique.

Le Cominform fait référence au Bureau d’Information des Communistes et des Partis de Travailleurs. Ce fut le premier centre officiel du parti communiste après la dissolution du Comintern. Le but du Cominform était de coordonner les actions des différents partis communistes sous la direction de Moscou et c’est ce qu’il fit jusqu'à sa dissolution en 1956 à la suite d’une politique de déstalinisation.

Le QG du Cominform était initialement basé à Belgrade qui était alors la capitale de la République Fédérale de Yougoslavie. La résolution du Cominform datant du 28 Juin 1948 accusait le Parti Communiste Yougoslave (KPJ) de faire preuve d’anti-soviétisme en ayant adopté une attitude critique vis-à-vis du régime. Suite à ces accusations de Moscou, le KPJ fut exclu du Cominform. Lors de cette exclusion, le QG fut déplacé en Roumanie, à Bucarest. Ceci eut pour résultat la constitution de l’Informbiro.

La Yougoslavie, qui est alors hors du contrôle soviétique, crée sa propre branche communiste sous la direction de Tito. Les partisans de Tito, refusant de se soumettre à l’autorité de Staline, sont considérés comme des traîtres et furent massivement pourchassés à travers l’Europe de l’Est.

Tito, le révolutionnaire, était connu pour avoir témoigné son soutien à la guerre civile en Grèce alors que Staline et Churchill s’étaient tenus à l’écart du conflit. Le fait que Tito ait envoyé des troupes yougoslaves en Albanie pour les protéger d’une propagation de la guerre civile grecque sans l’approbation de Moscou fut très mal perçu par Staline.

Alors que Tito s’acharnait à purger son pays de ceux qu’ils appelaient les Cominformistes, Staline s’attelait à reconstruire la force militaire de la Hongrie en cas d’éventuel conflit avec la Yougoslavie.

Au même moment, de la Hongrie, de la Bulgarie, de la Roumanie, de l'Albanie, les agents soviétiques s'infiltrèrent en Yougoslavie. Ces quatre pays, obéissant aux ordres de Staline, résilièrent tous leurs contrats avec la Yougoslavie, même ceux des P.T.T... Tout commerce cessait. La Yougoslavie allait être asphyxiée...

A cette période d’embargo s’ajoutèrent des désaccords au sein même de la Ligue Communiste de Yougoslavie. 12.000 sur 400.000 membres du PC yougoslave se déclarèrent prosoviétiques. Le système défensif yougoslave, calqué sur celui de l'URSS, mais resté indépendant par rapport à celui-ci, n'eut pas le temps ou la volonté de convaincre, de persuader par la non-violence, les prosoviétiques.

L’hystérie anti-soviétique pris des proportions telles que certaines personnes pouvaient être taxés de traître rien qu’en écoutant Radio Moscou ou en lisant de la littérature russe. La plupart des personnes interpellées faisaient l’objet d’une incarcération sans procès préalable (comme Mesa dans « Papa est en voyages d’affaires ») et étaient déportées vers des camps de travail, notamment sur l’île de Goli Otok (« L’île Nue »).

Cette île est située au nord des côtes adriatiques entre la côte nord-est de Rab et la République de Croatie.  Elle est inhabitée et possède très peu de végétation. Durant la première guerre mondiale, les austro-hongrois envoyaient leurs prisonniers de guerre russe sur Goli Otok. En 1949, l’île est officiellement transformée en une prison de haute sécurité dirigée par les autorités de la Yougoslavie socialiste. Les prisonniers politiques ainsi que les Stalinistes et les sympathisants au régime soviétique y étaient incarcérés jusqu’en 1956 et cela pendant toute la période de l’Informbiro.

En 1956, après la mort de Staline et l’abolition de ses lois par Khrouchtchev, le dialogue fut réinstauré entre l’Union Soviétique et la Yougoslavie, cette dernière étant à même de réintégrer l’union des pays socialistes. Malgré cette entente la Yougoslavie sut garder cette indépendance qui la caractérisait dans sa manière de voir la politique mondiale en empruntant autant à l’Est qu’à l’Ouest.


 
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