BIOGRAPHIE DE ARTAVAZD PELECHIAN

Artavazd Pelechian est né en 1938, à Leninakan, ville d’Arménie soviétique, en partie détruite lors du tremblement de terre de 1988, et rebaptisée Gumri, depuis l’indépendance de septembre 1991.

Pelechian a grandi à Kirovakan. Il a d’abord suivi une formation technique qui l’amène à exercer le métier d’ouvrier dans un atelier de fabrication d’outils, de 1959 à 1963, puis celui de dessinateur industriel, avant de devenir constructeur technique.

La relation de Pelechian avec le cinéma commence, comme souvent, par une expérience de spectateur. Très vite, des partis pris affirmés lors de discussions avec ses camarades de projection laissent présager un engagement singulier dans la création cinématographique : c’est en 1963 qu’il entre au VGIK, l’école de cinéma de Moscou, dans la section « Mise en scène «, afin de vérifier, en un sens, des hypothèses qu’il était le seul à défendre : « Ça venait de mon être profond, de mon regard sur le monde. Ce n’est que plus tard que j’ai pu écrire ces textes sur le montage à distance qui exposent ma manière de voir le cinéma. Je savais que ce que je sentais, je n’arriverais à l’exprimer avec des mots mais qu’un des moyens serait le cinéma ». Il y aura notamment, pour camarade de promotion, Andreï Tarkovski. Durant ses études, il réalise entre autre LA PATROUILLE DE MONTAGNE, en 1964, et LA TERRE DES HOMMES, en 1966. En 1967, soit un an avant l’obtention de son diplôme de fin d’études, il réalise AU DÉBUT, qu’il dédie précisément au 50ème anniversaire de la Révolution d’Octobre.

C’est surtout avec LES SAISONS, réalisé en 1972, qu’il accèdera bien plus tard à une certaine notoriété hors des frontières de l’URSS. Car jusqu’en 1985, date de la Perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, les films de Pelechian n’ont que très rarement accédé aux rencontres ou festivals internationaux organisés à l’étranger. Quelques spectateurs convaincus, parmi lesquels on trouve Jean-Luc Godard et Serge Daney, ont permis au cinéma de Pelechian d’être peu à peu découvert, diffusé et apprécié en Occident : « Un cinéaste, un vrai. Inclassable, sauf dans la catégorie à tout faire du « documentaire ». Pauvre catégorie !
Il s’agit en fait d’un travail sur le montage comme j’avais fini par croire qu’il ne s’en faisait plus en URSS depuis Dziga Vertov. Sur, avec, et contre le montage. J’ai soudain le sentiment (agréable) de me trouver face à un chaînon manquant de la véritable histoire du cinéma. » (Serge Daney, Libération, 11 août 1983).

C’est en mars 1992 que la Galerie Nationale du Jeu de Paume, à Paris, consacre à Pelechian une première rétrospective. Récompensé en 2000 par le prix SCAM (Société des Auteurs Multimédia) de Télévision pour l’ensemble de son oeuvre, Artavazd Pelechian vit et travaille aujourd’hui à Moscou.

Toutefois, le cinéma d’Artavazd Pelechian reste encore aujourd’hui assez peu connu en Occident. L’oeuvre de Pelechian, qui se construit film après film, dans un souci, manifesté par ailleurs, de recherche et d’expérimentation, suppose qu’on la découvre, paliers par paliers, dans le mouvement de son évolution. Pelechian tourne peu et court. La densité de tout nouvel opus en fait à chaque fois une oeuvre rare.
Pierre Arbus

FILMOGRAPHIE


Crédits photo ©François Vila

1964 PATROUILLE DE MONTAGNE (Gornyj patrul)
1965 LE CHEVAL BLANC co-réalisé avec R. Tsourtsoumi
1966 LA TERRE DES HOMMES (Zemlja ljudej)
1967 AU DÉBUT (Nacalo ou Skisb)
1968 VOTRE ACTE D’HÉROÏSME EST ÉTERNEL (Ich podvig bessmerten).
1968 LE RÊVE (Metschta)
1969 NOUS (Menk)
1970 LES HABITANTS (Obibateli)
1972 LES SAISONS (Tarva Yeghanaknere ou Vremena goda)
1982 NOTRE SIÈCLE (Nach Vek)
1984 DIEU EN RUSSIE (Bog v Rossii)
1992 FIN (Konec ou Vertch)
1993 VIE (Kiank ou Zizn’)

« Dans mes films, il n’y a pas de travail d’acteur, et ils ne présentent pas de destins individuels. C’est là le résultat d’une option dramaturgique et de mise en scène consciente. Le film repose pour sa structure compositionnelle sur un principe précis, sur le montage audiovisuel sans aucun commentaire verbal.

L’une des principales difficultés de mon travail fut le montage de l’image et du son. Je me suis efforcé de trouver un équilibre organique permettant l’expression unifiée simultanément de la forme, de l’idée, et de la charge émotionnelle par le son et par l’image. Il fallait que le son soit indissociable de l’image, et l’image indissociable du son. Je me fondais, et me fonde encore sur le fait que, dans mes films, le son se justifie uniquement par son rôle au niveau de l’idée et de l’image.

Même les bruits les plus élémentaires doivent être porteurs d’une expressivité maximale et, dans ce but, il est nécessaire de transformer leur registre. C’est pour cette raison que, pour l’instant, il n’y a pas de son synchrone ni de commentaire dans mes films.

Artavazd Pelechian, extraits de Mon Cinéma

Hommage à l'oeuvre de Artavazd Pelechian - Distribué par Films sans Frontières