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Les Européens et le protectorat britannique

En 1884, Karl Peters (1) arriva à Zanzibar puis se rendit dans les terres où il proposait son "Traité de l'éternelle amitié", aux chefs africains en échange de terres. Quand il arriva au Kilimanjaro, il avait annexé 6 000 km2 qui appartenaient au Sultan Barghash. Otto von Bismark, le chancelier allemand considéra, dans le même temps, que la victoire des Mahdis qui prirent le contrôle de la capitale britannique et égyptienne du Soudan était un signe de faiblesse de l'Angleterre et pensa que l'Allemagne pouvait avancer dans les territoires Est Africains.

Le Kaiser Wilhem d'Allemagne affirma la même année, à Berlin, en février, le protectorat allemand à tous les territoires conquis par Karl Peter.

Le Sultan espérait le soutien britannique concernant la perte de toutes ses terres. Mais l'Angleterre ne voulait pas entrer en guerre avec l'Allemagne et n'intervint donc pas.

En août 1885, un navire allemand, commandé par le capitaine Carl Paschen arriva à Zanzibar, il demanda au Sultan Barghash de reconnaître le protectorat allemand. Kirk, obéissant à son gouvernement, le persuada d'accepter. Barghash confirma quelques mois plus tard sa reconnaissance du protectorat allemand.

Pour toute réponse, l'Angleterre organisa une rencontre avec l'Allemagne et la France pour établir la répartition des terres ayant appartenues au Sultan de Zanzibar. Un accord fut signé après de nombreuses discussions en 1886. Les territoires furent répartis. Les nouveaux colons occidentaux prenaient le pouvoir.

Barghash signa ce traité en décembre 1886, suivi du gouvernement français. En juin 1887, Barghash céda une partie de la section Nord de son territoire côtier à la British East African Association, (de la rivière Tana à Umba, incluant Mombasa) tandis que l'Allemagne et le Portugal se réunirent et décidèrent que le Portugal gagnerait sur les territoires de Barghash, au Sud.

En février 1888, Barghash navigua à Muscate, en convalescence, il était atteint de tuberculose et éléphantiasis. Il revint à Zanzibar le 26 mars et mourut le lendemain, à l'âge de 51 ans.

Le 29 mars, son frère, Khalifa bin Said fut proclamé Sultan. À Mombasa, La British East African Association devint l'Impérial British Est Africa Company, l'île devint le centre de commerce de l'Afrique de l'Est, supplantant Zanzibar qui, privée des ressources de la traite des esclaves, déclinait.

Le 13 septembre 1889, Khalifa signa un traité avec le gouvernement britannique pour mettre fin à l'esclavage dans ses territoires. Toute personne entrant dans le territoire ou qui y serait né était libre. Khalifa mourut quelques mois plus tard, à l'âge de 36 ans. Son frère, Ali bin Said, le dernier des fils de Said, fut nommé Sultan.

Le 1 er août 1890, Ali signa un traité contre l'esclavage interdisant la traite et la vente d'esclave. Avec la fin de l'esclavage, le seul bien à exporter devint l'ivoire, qui se fit de plus en plus rare.

Dans les terres, les Allemands et Anglais luttaient pour obtenir des territoires. Le 1er juillet 1890, dans Le deuxième accord germano-anglais, le traité de Zanzibar spécifiait que Zanzibar était dorénavant sous le protectorat anglais. En 1891, un gouvernement constitutionnel fut établi à Zanzibar avec comme Premier ministre le général Sir Lloyd Mathews.

Mais l'intérêt commercial de l'île déclinait en faveur de Mombasa. Lorsque le Sultan Ali mourut en mars 1893, n'ayant pas fait de testament, les Anglais proclamèrent Hamad, le fils de Thuwaini (2), alors qu'il y avait deux autres héritiers potentiels : Khaled bin Barghash et Hamoud bin Mahomed bin Said, des neveux de Thuwaini. Pendant son règne, Zanzibar créa son premier timbre en novembre 1895 (3)

"La gazette de Zanzibar et de l'Afrique de l'Est" fut imprimée, suivie d'autres journaux, anglais, arabes, swahili et Urdu.

En 1895, les Mazruis tentèrent à nouveau de faire tomber Zanzibar et le gouvernement de Mombasa. Un an plus tard, les leaders qui avaient échoué furent emprisonnés à Dar es Salam.

Le Sultan Hammad décéda en 1896. Khaled, fils de Barghash essayait de prendre le pouvoir, il y réussit presque, mais les Anglais le chassèrent et il s'enfuit à Dar es Salam, après la "plus courte guerre de l'Histoire". Hamoud, un cousin du sultan défunt fut proclamé, le 27 août 1896, Sultan de Zanzibar. Il signa l'ultime traité de l'abolition de l'esclavage le 5 avril 1897. Il envoya son fils Ali faire ses études en Angleterre, à Harrow. Le 18 juillet 1902, à la mort du Sultan Hammoud, les Anglais proclamèrent son fils, âgé de 18 ans sultan de Zanzibar.

Il voyagea beaucoup en Europe, mais sa santé se détériorait et il dut abdiquer en décembre 1918.Son cousin Khalifa bi Harub lui succéda et devint le Sultan Khalifa II le 16 décembre 1911.

En 1913, le conseil protectorat fut établi, le Sultan était président et le consul britannique vice-président.

La première guerre mondiale n'affecta pas directement Zanzibar. Après la guerre, les territoires allemands de l'Afrique de l'Est furent administrés par les anglais, sous la ligue des nations appelée Tanganyika.

Pendant la deuxième guerre mondiale, Zanzibar ne s'engagea pas militairement. Les effets furent des pénuries de certaines denrées. Après la guerre, les Anglais permirent à la population de Zanzibar de prendre part au gouvernement de l'île. Plusieurs partis politiques se constituèrent et les premières élections eurent lieu en 1957. Deux principaux partis apparurent l'ASP et Le ZNP.. L'afro Shirazi Union, qui devint l'ASP (Afro Shirazi party) était de façon schématique dominé par les Africains, alors que Le Zanzibar Nationalist Party (ZNP) par des Arabes.

En Octobre 1960, Le sultan Khalifa s'éteignit après 49 ans de règne. Abdullah bin Khalifa, son fils lui succéda. En novembre de la même année, Zanzibar mit en place une nouvelle constitution pour l'élection des membres du conseil législatif. Ces élections eurent lieu en janvier 1961 sans résultats probants, puis en juin de la même année. Celles-ci furent marquées par des émeutes raciales. Le ZPP (Zanzibar & Pemba people) gagna 13 sièges et l'ASP dix. Les Anglais réalisaient qu'un gouvernement autonome devenait inévitable à Zanzibar et il fut finalement accordé en juin 1963. En juillet de la même année, le court règne du sultan Abdullah prit fin et son fils Jamshid lui succéda.

Le 10 décembre 1963, Zanzibar devint un Sultanat indépendant. La bande de terre côtière fut cédée au Kenya qui devint indépendant 2 jours après.

Zanzibar devint membre à part entière du Commonwealth et le 16 décembre des Nations Unies.

Ce sultanat indépendant fut de courte durée, le 12 juillet 1964, une violente révolution éclata. Des émeutes raciales avaient déjà eut lieu la nuit du 11 janvier provoquèrent un véritable massacre, plus de 17 000 Arabes et Indiens furent tués en une seule nuit.

Ces deux actions violentes étaient l'ouvre d'un seul homme, John Okello. Il fut le leader de la révolution. Ougandais, il vivait à Pemba et était très populaire.

Le chef de l'ASP, Sheik Abied Amani Karume fut nommé président de la République de Zanzibar, et les membres importants du parti formèrent le Gouvernement révolutionnaire de Zanzibar (4). De 1964 à 1972, dirigée d'une main de fer par le mwinyekiti (secrétaire) du parti unique afro-shirazi (ASP), Abeid Karume, l'île vécut sous un régime utilisant le marxisme-léninisme pour légitimer une tyrannie tropicale.

Indiens, asiatiques, européens, propriétaires terriens quittèrent l'île voyant leurs biens et leurs terres confisqués par l'état, Faute d'entretien, ce patrimoine se détériora au fil des années.

Dar es Salam offrit un asile temporaire au Sultan qui partit ensuite pour l'Angleterre où il vécut exilé dans une ville de la côte Sud.

En décembre 1961, le Tanganyika devenait indépendant Julius Nyerere était élu président l'année suivante. (Nyerere avait connu et soutenu depuis 1950 Karume).

La révolution de Zanzibar avait créé des problèmes au Tanganyika, inspirant un coup d'état à Dar es Salam juste quelques jours après. Nyerere avait reçu l'aide des Anglais pour garder le pouvoir. Ayant acquis ensuite une stabilité politique, Nyerere rencontra Karume afin d'envisager une union politique. Le 24 avril 1964, les deux pays s'unirent pour former La République Unie de Tanganyika et de Zanzibar, qui fut renommée quelque mois plus tard la Tanzanie. Nyerere en était le président, Karume, le vice-président... Le SMZ avait le contrôle des affaires locales à Pemba et Unguja alors que les affaires étrangères étaient prises en main par le gouvernement tanzanien. En dépit de cette union, Karume tenait Zanzibar séparée du reste de la Tanzanie. Il ne partagea pas les bénéfices du commerce du clou de girofle.

Après la révolution, les capitaux, et des personnes importantes économiquement avaient quitté l'île. Afin de les remplacer Karume fit appel aux autres pays communistes. En février 1964, l'ambassade de Chine ouvre à Zanzibar, mettant en place des infrastructures. Puis viennent l'Allemagne de l'Est et ensuite l'URSS sans oublier Cuba.

En 1970, Le gouvernement de Karume fut accusé de violation des droits de l'Homme. Il s'en défendit violemment par des discours qui n'eurent pas beaucoup d'effets.

Le 7 avril 1972, Karume est assassiné pendant qu'il jouait aux cartes dans les hauts quartiers de l'ASP.

Aboud Jumbe Mwinyi, membre de l'ASP depuis ses débuts, avant l'indépendance, fut le nouveau leader du gouvernement révolutionnaire. Mwinyi était moins extrémiste que Karume et il fit quelques réformes. Il était plus proche de Nyerere et de la Tanzanie, et le 5 février 1997, le parti de la révolution fut créé (5) unissant le TANU (Tanzania African National Union) de Nyerere et l'ASP de Mwinyi.

Cette union permit aux deux chefs de relâcher leur politique de contrôle d'état sur les industries. Des relations commencèrent à s'établir avec les occidentaux, notamment l'Angleterre. La reine Elisabeth II vint en visite à Zanzibar en juillet 1979. Zanzibar regagnait du terrain sur l'international.

En 1980, les premières élections présidentielles furent organisées. Aboud Jumbe Mwinyi fut élu président de Zanzibar. En 1984, Ali Hassan Mwinyi fut élu président, puis, un an plus tard, suite à la démission de Nyerere, il devint président de la Tanzanie. Idris Abdul Wakil fut alors élu président de Zanzibar. La personnalité charismatique de Julius Nyerere, catholique et socialiste, s'étant effacée, les tensions entre Zanzibar et l'ancien Tanganyika furent plus fortes que jamais. Le choix d'un zanzibari, Ali Hassan Mwinyi, comme deuxième président n'a pas calmé la turbulence d'îles plus sensibles aujourd'hui aux sirènes de l'islamisme et du libéralisme économique qu'aux échos très affaiblis du socialisme tanzanien.

Les années 80 marquèrent une chute du cours du clou de girofle. Les prix étaient passés de 10 000 $ la tonne en 1960 à 1 000... Zanzibar traversait une crise économique et ne pouvait plus payer sa contribution annuelle au gouvernement de Tanzanie.

L'économie privée fut relancée. En 1989, la culture d'algues fut introduite avec succès à Zanzibar. Malgré cette nouvelle culture, l'exportation restait insuffisante par rapport à l'importation de produits alimentaires dont l'île avait besoin.

En 1990, Dr Salmin Amour fut élu président avec une écrasante majorité. Son gouvernement continua d'encourager le secteur privé, libéralisa le commerce. Attentif au cri d'alarme de l'Unesco et de la fondation de l'Aga Khan, il se décida à vendre aux étrangers quelques maisons, qui laissées à l'abandon depuis la révolution s'effondraient. Elles furent restaurées et transformées en hôtels exotiques.

La première moitié des années 90 vit naître un autre secteur économique porteur : le tourisme. En 1987, un bureau fut créé pour promouvoir Zanzibar parmi les destinations touristiques (6) En 1992, un pas de plus était franchi avec la création du bureau pour encourager les investissements étrangers dans le secteur touristique de l'île (7). Européens et Sud Africains investirent dans des hôtels. Plus tard, avec la complicité des politiques locaux, des mafieux y blanchirent leur argent.

En 1995, Zanzibar recevait 50 000 visiteurs chaque année. Le tourisme n'est pas sans poser des problèmes écologiques à l'île. En 1992, un département pour la défense de l'environnement fut créé. Bien que l'île souffre au point de vue culturel et écologique de cette invasion touristique, le développement économique est plus fort. La côte est de plus en plus déformée par des constructions en béton.

En 1992, au niveau politique, Zanzibar et la Tanzanie cessèrent d'être un état politique uni. Pour la première fois depuis 20 ans le CCM devait faire face à de nombreux groupes d'opposants qui s'organisèrent rapidement en partis politiques. Le CUF (Civic United Front) mené par Seif Sherif Hamad à Pemba devint le plus gros parti de l'opposition à Zanzibar.

Tous les partis étaient d'accord pour une transition graduelle vers un système où tous les partis pouvaient exister et être représentés. En juillet 1995, Salmin Amour se consacrant à son poste de président, laissa à Benjamin Mkapa. La direction du CCM..

Dès avant sa proclamation, l'idée du multipartisme démocratique avait eu des effets corrosifs sur la situation politique à Zanzibar. En effet, la crainte de nombreux cadres du CCM était que cela ne favorise les revendications insulaires et n'aboutisse au développement de l'indépendantisme dans l'archipel : soupçonné d'avoir embrassé cette cause, le chief minister de Zanzibar, M. Seif Sharif Hamad, avait été détenu sans jugement pendant trente mois, de la mi-1989 à novembre 1991. La proclamation du multipartisme se fit donc d'abord sur le continent, au grand dam de l'»homme fort " du CCM à Zanzibar, M. Salmin Amour, farouchement opposé à cette évolution.

La question du particularisme insulaire était posée, d'autant plus que derrière lui se profilait le spectre de l'»intégrisme musulman " dénoncé par certains sur le continent.

Cette accusation n'était pas exempte d'arrière-pensées plus immédiates, le régime du président Ali Mwinyi, lui-même d'origine insulaire, étant souvent accusé d'avoir favorisé les musulmans aux dépens des Chrétiens.

Discrètement, Dar es Salam maintenait dans les îles près de 80 000 hommes des forces de l'ordre, ce qui pour une population totale d'environ 750 000 personnes constituait l'un des encadrements sécuritaires les plus denses du monde.

Le 22 Octobre 1995, les élections eurent lieu à Zanzibar, une semaine avant le vote sur le continent tanzanien. Élections truquées les élections, qui auraient pu être l'occasion d'une honnête remise à plat des problèmes, ont été un désastre à Zanzibar

Le poste de président se jouait entre Amour (CCM) et Hamad (CUF). La population se mobilisa de façon extraordinaire (95 %) et les élections se passèrent calmement. Mais le comptage des votes fut très long. Comme c'est le cas dans les régimes fortement politisés et très commun en Afrique, le pouvoir politique fit pression sur les élections. On se rendit très vite compte que le CUF était en tête. Le CCM contesta en disant que les élections étaient truquées, mais retira ses plaintes après deux jours, quand il apparut que le score des deux candidats était très serré. Finalement Amour fut le président sortant avec 50,2 %. Malgré des doutes sur la fiabilité des élections, le bureau ne voulut pas comparer ses résultats avec ceux des Nations Unies, ni recompter les voix.

Comme il n'était pas possible de réorganiser de nouvelles élections. Benjamin Mkapa, leader du CCM resta au pouvoir. Des protestations s'élevèrent contre ces élections truquées. Nyerere appela à un gouvernement uni, représenté par les deux partis, mais il ne fut pas écouté.

Le CUF porta plainte à la cour ces irrégularités, disant que les résultats n'étaient pas en accord avec la volonté du peuple, ce qui est resté sans réponse depuis 97.

De son côté, Amour est majoritaire de deux sièges au Parlement. Suivant une règle de la Constitution Nationale, il a le droit de nommer 9 membres supplémentaires au Parlement appuyant ainsi sa majorité.

Pendant ce temps-là à Zanzibar, le président Amour et le CCM tiennent fermement les rênes du pouvoir. Le CUF bénéficie d'un soutien considérable, surtout de Pemba qui a suivi ce parti et l'appui.

Les élections de 2000 dans l'île sont elles aussi soupçonnées de sabotage, le peuple de Zanzibar n'avait pas voté pour Mkapa Les élections étaient entachées de violences, d'allégations de fraude électorale et d'intimidation de la police...

Aujourd'hui, Zanzibar et Pemba, deux îles semi-autonomes dans l'Océan indien, sont la proie de violences.

Onze explosions à la bombe ont ébranlé l'île depuis les élections contestées qui ont suivi presque six années de violences sporadiques déclenchées par les élections multipartites contestées de 1995.

La violence politique et l'insécurité ont un impact négatif sur l'économie des îles de Zanzibar et de Pemba, à la suite de l'interruption des opérations touristiques dues aux affrontements sanglants du 29 janvier 2001 entre policiers et manifestants qui ont fait plus de 20 victimes.

(1) Fondateur de la société allemande pour la colonisation.
(2) Rappelons ici qu'il a été Sultan d'Oman . C'était un des frères de Majid, qui ne l'a reconnu jamais en tant que Sultan de Zanzibar. Il fut tué par un autre de ses fils Salim
(3) depuis 1875 environ, l'île utilisait des timbres indiens où était imprimé Zanzibar
(4) SMZ : Serikali ya Mapinduzi ya Zanzibar.
(5) Chama Cha Mapinduzi
(6) Zanzibar Investment Promotion Agency.
(7) The Zanzibar commission for tourism


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